Elsevier Masson SAS est le fruit du rapprochement en 2005 entre Elsevier France et Masson France. Cet article fait le point sur les principales dates qui ont jalonné l’histoire de ces deux grandes maisons d’éditions scientifiques et médicales.
LA FONDATION DE L’ENTREPRISE PAR NICOLAS CROCHARD
En 1804, lorsque le Consulat succède à l’Empire, une "Librairie Médicale et Scientifique" est ouverte par Nicolas Crochard sur l’ancienne place de l’Ecole de Médecine. Les réformes profondes effectuées à cette époque bouleversent l’instruction publique et obligent les sociétés savantes à se réorganiser. Pour la première fois dans l’histoire de la pédagogie française, les Sciences sont considérées à l’égal des Lettres. La Société de Médecine, qui deviendra plus tard l’Académie de Médecine, exerce alors une intense activité et multiplie les conférences à Paris, Montpellier et Strasbourg.
Le but manifeste de la Librairie Médicale et Scientifique était de faire connaître aux chercheurs et aux étudiants les nombreux travaux réalisés, permettant ainsi de faire rayonner le savoir auprès d’un public de plus en plus intéressé. L’examen des anciens catalogues confirme que la nouvelle maison d’édition s’oriente très vite vers la Médecine, la Chimie, la Physique, l’Histoire Naturelle et l’Agriculture.
Fin stratège, Nicolas Crochard avait lu en détail la loi du 10 mars 1803 qui supprimait les distinctions entre les médecins et les chirurgiens. Elle déclarait que « nul ne pourrait exercer la médecine sans avoir été examiné en public et avoir été reçu soit docteur en médecine, soit officier de santé ». La médecine à elle seule suscite dès le début la plus large production d’ouvrages : les auteurs sont Broussais, Corvisart, Cruveilhier et Portal, personnages aujourd’hui illustres qui ont été les bâtisseurs de notre héritage. Le premier best-seller "Les Annales de la Physique Chimie" est dirigé par Lavoisier, Monge, Gay-Lussac et Arago.
LA PERIODE VICTOR, GEORGES ET PIERRE MASSON
En 1838, Victor Masson rejoint Nicolas Crochard en qualité d’associé. Né à Beaune en 1807, Victor Masson se forme au métier d’éditeur pendant deux ans chez son ami Louis Hachette. En 1836, il achète Didot, puis entre, en 1838, comme associé à la Librairie Médicale et Scientifique, qu’il co-dirigera avec Nicolas Crochard et son fils avant d’en devenir le seul propriétaire en 1846.
De l’avis de ses contemporains, la personnalité de Victor Masson exerça une influence considérable sur la transformation de la librairie française au milieu du 19ème siècle. Il a été le premier à donner un aspect différent aux livres scientifiques notamment en introduisant des illustrations dans le texte.
En 1858, Victor Masson distribue ses ouvrages en Bolivie, Californie, Chili, Pérou, Brésil, Mexique et en Chine. La production est alors composée de 2 500 publications et pendant 30 ans, ce sont les livres de médecine, de sciences naturelles, de chimie, d’agriculture et d’enseignement, abondamment illustrés, qui font le succès de la librairie. Ce succès est couronné par le Dictionnaire Encyclopédique des Sciences Médicales dont la publication, dirigée par Dechambre de 1864 à 1885, est achevée en 1889. L’ouvrage est composé de 100 volumes d’environ 900 pages chacun.
Visionnaire, Victor Masson fait entrer son fils Georges dans la Maison en 1859 et lui confie la direction générale en 1865. Par son activité débordante, son esprit d’initiative, ses qualités d’organisateur et un excellent sens du contact, Georges sait attirer à lui les personnalités médicales et scientifiques de l’époque et réalise des éditions nouvelles qui sont diffusées dans le monde entier. En 1896, son fils Pierre est associé à l’affaire qui devient Librairie Masson et Compagnie. Pierre le remplace complètement en 1900 et dirige la Maison pendant 28 ans. Forte personnalité, Gustave Roussy écrivait : « la conversation s’engageait à bâton rompu sur les sujets les plus divers, son visage s’éclairait, il animait la discussion par des réflexions toujours originales, souvent pleines d’humour ».
L’ESSOR DES LIVRES ET DES PERIODIQUES MEDICAUX
La Librairie Masson et Compagnie est alors en plein essor, avec notamment la réédition d’ouvrages, tel que « La première pratique médicochirurgicale » : 8 volumes illustrés de Brissand, Pinard et Reclus, édités deux fois avant 1914 et dont la formule avait été si heureuse qu’elle est reprise en 1953 pour la quatrième fois.
Quinze journaux figuraient au catalogue en 1850, vingt en 1880, et quarante en 1900. En 1914, 78 monographies sont publiées dans la « Collection des Précis médicaux ». Puis Masson publie le « Bulletin de l’Académie de Médecine ».
De ce début du XXème siècle date les premiers congrès médicaux : c’est une période de ré-organisation du travail scientifique, de la transformation des universités avec union intime entre la science et l’enseignement. Plus la masse des connaissances grandit et les progrès des sciences s’affirment, plus s’impose la diffusion du travail des savants avec l’objectif de faire connaître le travail des chercheurs isolés, de collaborer avec les sociétés scientifiques et de participer aux congrès.
Au cours de la guerre de 1914-18, la Presse Médicale (crée en 1904) devient un lien permanent entre les médecins et les mobilisés. Parallèlement, la librairie publie en anglais un périodique conçu et écrit par les médecins du corps expéditionnaire américain : le « War médecine ».
LA PERIODE DES TALAMON
A la fin de la première guerre mondiale, Pierre Masson se fait aider par son nouvel associé, Robert Talamon. A ce moment, intervient la création d’ouvrages d’un type très nouveau, justifiée par l’importance alors considérable des techniques nouvelles : l’anatomie pathologique et surtout la radiographie. Aucun livre n’allait être publié sans que sa présentation ne soit assortie d’iconographie. L’image joue à cet instant un rôle essentiel dans la diffusion auprès du monde scientifique et médical.
En 1924, paraît la première édition du Traité d’anatomie de Rouvière dont plus de 60 000 exemplaires ont été vendus dans le monde. En 1925, c’est l’édition des 11 volumes du Traité de Physiologie de Roger et Binet, puis la célèbre série des Atlas de Radiologie Clinique dans lesquels, pour la première fois, la radiographie constitue la base extrême de l’ouvrage qu’un texte vient expliquer. En 1939, l’ensemble des publications périodiques s’élève à 54.
1946 et 1947 sont les années du renouveau : tout en perfectionnant ses publications périodiques et ses livres d’enseignement, la Librairie Masson se lance dans la fabrication de grands traités médicaux et scientifiques. Entre 1947 et 1954 sont édités ou réédités 80 titres d’ouvrages de médecine et de sciences, 215 titres pour l’enseignement secondaire ou supérieur totalisant 3 500 000 exemplaires et 400 volumes de publications périodiques. Parmi les nouveautés, se trouvent les deux premiers tomes du Traité d’Anatomie Humaine de Paturet, dont presque toute l’illustration originale est en couleurs. Robert Talamon décide d’un plan quinquennal avec pour objectif d’enrichir les catalogues des ouvrages destinés à l’enseignement secondaire et supérieur. De nouvelles collections voient le jour.
OPTIMISATION DE L’OUTIL DE PRODUCTION
A partir de 1971, Masson transforme son outil de production. L’outil de travail n’est plus adapté, la rotation des stocks localisée à Paris en fait une structure archaïque. L’entreprise installe à Vineuil (Loir et Cher), un système de stockage automatisé géré par ordinateur. La création passe également à la photocomposition.
Puis Masson prend le parti de se désengager du livre scolaire au profit de la production universitaire et des périodiques. En 1976, le neuropsychiatre Philippe Duizabo devient Directeur Médical en conservant une activité hospitalière ; il reste en contact avec l’évolution des connaissances médicales et lance, entre autres, les Cahiers de Radiologie, Médecine et Psychothérapie ainsi que les Cahiers de l’Infirmière. C’est aussi l’édition en français, italien et espagnol du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux Américains (DSM), la bible des psychiatres. Le catalogue compte alors jusqu’à 150 revues dont certaines ont plus d’abonnés à l’étranger qu’en France.
A partir de 2004 et la naissance d’Internet, Jérôme Talamon considère que le métier d’éditeur consacré exclusivement au texte est révolu. Il faut désormais maîtriser à la fois le texte, le son et l’image. C’est ainsi qu’en novembre 1994, Masson est cédé au Groupe de la Cité, filiale de Havas qui fusionnera en 1998 avec Vivendi. En 1999, Havas regroupe ses activités, dont l’information santé, sous le nom de Médimédia.
ARRIVÉE D’ELSEVIER EN FRANCE
La société hollandaise Elsevier Science met le pied pour la première fois en France en ouvrant en 1984, un bureau rue Buffon : les Editions Scientifiques Elsevier.
En 1992, le groupe Reed Elsevier nait de la fusion de la société d’édition juridique anglaise Reed International et de la société Elsevier NV. L’année suivante, le groupe acquiert les Editions Techniques.
En 2005, Masson rejoint le groupe Reed Elsevier pour former en 2006, avec Elsevier France, la nouvelle entité Elsevier Masson.